Protocole sur l'interdiction ou la limitation de l'emploi des mines, pièges et autres dispositifs (Protocole II). Genève, 10 octobre 1980.
Article premier
: Champ d'application pratique
Le présent Protocole a trait à l'utilisation sur terre des mines, pièges et
autres dispositifs définis ci-après, y compris les mines posées pour interdire
l'accès de plages ou la traversée de voies navigables ou de cours d'eau, mais
ne s'applique pas aux mines antinavires utilisées en mer ou dans les voies de
navigation intérieures.
Article 2 : Définitions
Aux fins du présent Protocole, on entend :
1. Par « mine », un engin quelconque placé sous ou sur le sol ou une autre surface
ou à proximité, et conçu pour exploser ou éclater du fait de la présence, de
la proximité ou du contact d'une personne ou d'un véhicule ; et par « mine mise
en place à distance », toute mine ainsi définie lancée par une pièce d'artillerie,
un lance-roquettes, un mortier ou un engin similaire ou larguée d'un aéronef
;
2. Par « piège », tout dispositif ou matériel qui est conçu, construit ou adapté
pour tuer ou blesser et qui fonctionne à l'improviste quand on déplace un objet
en apparence inoffensif ou qu'on s'en approche, ou qu'on se livre à un acte
apparemment sans danger ;
3. Par « autres dispositifs », des munitions et dispositifs mis en place à la
main et conçus pour tuer, blesser ou endommager et qui sont déclenchés par commande
à distance ou automatiquement après un certain temps ;
4. Par « objectif militaire », dans la mesure où des biens sont visés, tout
bien qui par sa nature, son emplacement, sa destination ou son utilisation apporte
une contribution effective à l'action militaire et dont la destruction totale
ou partielle, la capture ou la neutralisation offre en l'occurrence un avantage
militaire précis ;
5. Par « biens de caractère civil », tous les biens qui ne sont pas des objectifs
militaires au sens du paragraphe 4 ;
6. Par « enregistrement », une opération d'ordre matériel, administratif et
technique visant à recueillir, pour les consigner dans les documents officiels,
tous les renseignements disponibles qui permettent de localiser facilement les
champs de mines, les mines et les pièges.
Article 3 : Restrictions générales à l'emploi de mines, pièges et autres dispositifs
1. Le présent article s'applique :
a) Aux mines ;
b) Aux pièges ;
c) Aux autres dispositifs.
2. Il est interdit en toutes circonstances de diriger les armes auxquelles s'applique
le présent article contre la population civile en général ou contre des civils
individuellement, que ce soit à titre offensif, défensif ou de représailles.
3. L'emploi sans discrimination des armes auxquelles s'applique le présent article
est interdit. Par emploi sans discrimination, on entend une mise en place de
ces armes :
a) Ailleurs que sur un objectif militaire, ou telle que ces armes ne sont pas
dirigées contre un tel objectif ; ou
b) Qui implique une méthode ou un moyen de transport sur l'objectif tel qu'elles
ne peuvent pas être dirigées contre un objectif militaire spécifique ; ou
c) Dont on peut attendre qu'elles causent incidemment des pertes en vies humaines
dans la population civile, des blessures aux personnes civiles, des dommages
aux biens de caractère civil, ou une combinaison de ces pertes et dommages,
qui seraient excessifs par rapport à l'avantage militaire concret et direct
attendu.
4. Toutes les précautions possibles seront prises pour protéger les civils des
effets des armes auxquelles s'applique le présent article. Par précautions possibles,
on entend les précautions qui sont praticables ou qu'il est pratiquement possible
de prendre eu égard à toutes les conditions du moment, notamment aux considérations
d'ordre humanitaire et d'ordre militaire.
Article 4 : Restrictions à l'emploi de mines autres que les mines mises en place
à distance, pièges et autres dispositifs dans les zones habitées
1. Le présent article s'applique :
a) Aux mines autres que les mines mises en place à distance,
b) Aux pièges, et
c) Aux autres dispositifs.
2. Il est interdit d'employer les armes auxquelles s'applique le présent article
dans toute ville, tout village ou toute autre zone où se trouve une concentration
analogue de personnes civiles et où les combats entre des forces terrestres
ne sont pas engagés ou ne semblent pas imminents, à moins :
a) Qu'elles ne soient placées sur un objectif militaire ou à proximité immédiate
d'un objectif militaire appartenant à une partie adverse ou sous son contrôle
; ou
b) Que des mesures ne soient prises pour protéger la population civile contre
leurs effets, par exemple en affichant des avertissements, en postant des sentinelles,
en diffusant des avertissements ou en installant des clôtures.
Article 5 : Restrictions à l'emploi de mines mises en place à distance
1. L'emploi de mines mises en place à distance est interdit, sauf si ces mines
sont utilisées uniquement dans une zone qui constitue un objectif militaire
ou qui contient des objectifs militaires et à moins :
a) Que leur emplacement soit enregistré avec exactitude conformément à l'alinéa
a) du paragraphe I de l'article 7, ou
b) Que soit utilisé sur chacune d'elles un mécanisme efficace de neutralisation,
c'est-à-dire un mécanisme à autodéclenchement, conçu pour la désactiver ou pour
en provoquer l'autodestruction lorsqu'il y a lieu de penser qu'elle ne servira
plus aux fins militaires pour lesquelles elle a été mise en place, ou un mécanisme
télécommandé conçu pour la désactiver ou la détruire lorsque la mine ne sert
plus aux fins militaires pour lesquelles elle a été mise en place.
2. Préavis effectif sera donné du lancement ou du largage de mines mises en
place à distance qui pourrait avoir des effets pour la population civile, à
moins que les circonstances ne le permettent pas.
Article 6 : Interdiction d'emploi de certains pièges
1. Sans préjudice des règles du droit international applicables aux conflits
armés relatives à la trahison et à la perfidie, il est interdit en toutes circonstances
d'employer :
a) Des pièges ayant l'apparence d'objets portatifs inoffensifs qui sont expressément
conçus et construits pour contenir une charge explosive et qui produisent une
détonation quand on les déplace ou qu'on s'en approche ; ou
b) Des pièges qui sont attachés ou associés d'une façon quelconque :
i) A des emblèmes, signes ou signaux protecteurs internationalement reconnus
;
ii) A des malades, des blessés ou des morts ;
iii) A des lieux d'inhumation ou d'incinération ou à des tombes ;
iv) A des installations, du matériel, des fournitures ou des transports sanitaires
;
v) A des jouets d'enfant ou à d'autres objets portatifs ou à des produits spécialement
destinés à l'alimentation, à la santé, à l'hygiène, à l'habillement ou à l'éducation
des enfants ;
vi) A des aliments ou à des boissons ;
vii) A des ustensiles de cuisine ou à des appareils ménagers, sauf dans des
établissements militaires, des sites militaires et des dépôts d'approvisionnement
militaires ;
viii) A des objets de caractère indiscutablement religieux ;
ix) A des monuments historiques, des oeuvres d'art ou des lieux de culte qui
constituent le patrimoine culturel ou spirituel des peuples ;
x) A des animaux ou à des carcasses d'animaux.
2. Il est interdit en toutes circonstances d'employer des pièges qui sont conçus
pour causer des blessures inutiles ou des souffrances superflues.
Article 7 : Enregistrement et publication de l'emplacement des champs de mines
des mines et des pièges
1. Les parties à un conflit enregistreront l'emplacement :
a) De tous les champs de mines préplanifiés qu'elles ont mis en place ;
b) De toutes les zones dans lesquelles elles ont utilisé à grande échelle et
de façon préplanifiée des pièges.
2. Les parties s'efforceront de faire enregistrer l'emplacement de tous les
autres champs de mines, mines et pièges qu'elles ont posés ou mis en place.
3. Tous ces enregistrements seront conservés par les parties, qui devront :
a) Immédiatement après la cessation des hostilités actives
i) Prendre toutes les mesures nécessaires et appropriées, y compris l'utilisation
de ces enregistrements, pour protéger les civils contre les effets des champs
de mines, mines et pièges, et soit :
ii) Dans les cas où les forces d'aucune des parties ne se trouvent sur le territoire
de la partie adverse, échanger entre elles et fournir au Secrétaire général
de l'Organisation des Nations Unies tous les renseignements en leur possession
concernant l'emplacement des champs de mines, mines et pièges se trouvant sur
le territoire de la partie adverse, soit :
iii) Dès que les forces des parties se seront totalement retirées du territoire
de la partie adverse, fournir à ladite partie adverse et au Secrétaire général
de l'Organisation des Nations Unies tous les renseignements en leur possession
concernant l'emplacement des champs de mines, mines et pièges se trouvant sur
le territoire de cette partie adverse ;
b) Lorsqu'une force ou mission des Nations Unies exerce ses fonctions dans une
zone ou dans des zones quelconques, fournir à l'autorité visée à l'article 8
les renseignements requis par cet article ;
c) Dans toute la mesure du possible, par accord mutuel, assurer la publication
de renseignements concernant l'emplacement des champs de mines, mines et pièges,
particulièrement dans les accords concernant la cessation des hostilités.
Article 8 : Protection des forces et missions des Nations Unies contre les effets
des champs de mines, mines et pièges
1. Lorsqu'une force ou mission des Nations Unies s'acquitte de fonctions de
maintien de la paix, d'observation ou de fonctions analogues dans une zone,
chacune des parties au conflit, si elle en est priée par le chef de la force
ou de la mission des Nations Unies dans la zone en question, doit, dans la mesure
où elle le peut :
a) Enlever ou rendre inoffensifs tous les pièges ou mines dans la zone en question
;
b) Prendre les mesures qui peuvent être nécessaires pour protéger la force ou
la mission contre les effets des champs de mines, mines et pièges pendant qu'elle
exécute ses tâches ; et
c) Mettre à la disposition du chef de la force ou de la mission des Nations
Unies dans la zone en question tous les renseignements en sa possession concernant
l'emplacement des champs de mines, mines et pièges se trouvant dans cette zone.
2. Lorsqu'une mission d'enquête des Nations Unies exerce ses fonctions dans
une zone, la partie au conflit concernée doit lui fournir une protection, sauf
si, en raison du volume de cette mission, elle n'est pas en mesure de le faire
d'une manière satisfaisante. En ce cas, elle doit mettre à la disposition du
chef de la mission les renseignements en sa possession concernant l'emplacement
des champs de mines, mines et pièges se trouvant dans cette zone.
Article 9 : Coopération internationale pour l'enlèvement des champs de mines,
des mines et pièges
Après la cessation des hostilités actives, les parties s'efforceront de conclure
un accord, tant entre elles que, s'il y a lieu, avec d'autres Etats et avec
des organisations internationales, sur la communication des renseignements et
l'octroi d'une assistance technique et matérielle - y compris, si les circonstances
s'y prêtent, l'organisation d'opérations conjointes - nécessaires pour enlever
ou neutraliser d'une autre manière les champs de mines, les mines et les pièges
installés pendant le conflit.
ANNEXE TECHNIQUE AU PROTOCOLE SUR L'INTERDICTION OU LA LIMITATION DE L'EMPLOI
DE MINES, PIEGES ET AUTRES DISPOSITIFS (PROTOCOLE II)
Principes d'enregistrement
Lorsque le Protocole prévoit l'obligation d'enregistrer l'emplacement des champs
de mines, mines et pièges, les principes suivants devront être observés :
1. En ce qui concerne les champs de mines préplanifiés et l'utilisation à grande
échelle et préplanifiée de
pièges :
a) Etablir des cartes, croquis ou autres documents de façon à indiquer l'étendue
du champ de mines ou de la zone piégée ; et
b) Préciser l'emplacement du champ de mines ou de la zone piégée par rapport
aux coordonnées d'un point de référence unique et les dimensions estimées de
la zone contenant des mines et des pièges par rapport à ce point de référence
unique.
2. En ce qui concerne les autres champs de mines, mines et pièges posés ou mis
en place :
Dans la mesure du possible, enregistrer les renseignements pertinents spécifiés
au paragraphe 1 ci-dessus de façon à permettre de localiser les zones contenant
des champs de mines, des mines et des pièges.